l`evolution du metier de comptable a 1 ere de l intelligence artificielle: defis et oppurtunites Adam KARAKHI, 03/12/202403/12/2024 Partager l'article facebook linkedin emailwhatsapptelegramEn 2018, dans son ouvrage « Disruption », il écrivait à propos d’un futur « cerveau délocalisé, expert en tout » : « nous ne pourrons plus nous passer de notre alter ego digital. Il sera avec nous en permanence, comme l’est notre smartphone aujourd’hui ». C’était il y a seulement 5 ans, mais depuis, beaucoup de choses ont changé. Ce qui pouvait alors passer pour de la science-fiction a pris une forme très réelle avec l’arrivée de Chat-GPT, puis de GPT-4.Stéphane Mallard, expert en transformation digitale, nous livre son point de vue sur l’évolution du secteur de l’expertise comptable face aux avancées technologiques et la révolution de l’intelligence artificielle.L’arrivée de Chat-GPT a remis sur le devant de la scène l’intelligence artificielle. Cette révolution transformera-t-elle aussi la profession comptable ?De l’extérieur, en tant que dirigeant, je vois déjà la profession comptable se transformer, indépendamment de l’arrivée de l’intelligence artificielle. C’est une profession très homogène sur le plan technique, dans laquelle l’expertise n’est pas vraiment différenciante puisqu’elle est partout très élevée. Mais ce que recherche un dirigeant d’entreprise au-delà d’une expertise de haute qualité, ce sont des soft skills qui font toute la différence pour lui permettre de dormir tranquille la nuit.Un bon expert comptable, c’est un excellent pédagogue capable de simplifier et rendre limpides les sujets les plus incompréhensibles pour lui. C’est un stratège capable de l’aider à trancher les décisions les plus complexes. Et surtout, c’est un peu un « parent prévenant » qui l’alerte en avance (et avec empathie !) sur ce qu’il n’aurait pas vu et devrait voir. Je crois que les experts comptables qui possèdent ces soft skills sont les « experts-comptables superstars » d’aujourd’hui et qu’ils prennent de plus en plus de parts de marché sur ceux qui se contentent de faire les bilans.L’arrivée de l’intelligence artificielle va amplifier ce phénomène puisqu’elle s’attaque à l’expertise. GPT-4 est d’ores et déjà capable de répondre à des questions techniques aussi bien qu’un expert-comptable [NDLR : voir l’exemple pris par Stéphane Mallard sur Twitter avec la CSG non déductible, ci-dessous].Cet avantage de l’humain sur l’intelligence artificielle va-t-il durer ?Je pense que nous allons assister à une transformation en trois étapes. D’abord, l’intelligence artificielle va transformer les experts-comptables en « experts-comptables augmentés » : les algorithmes vont automatiser de nombreuses tâches, contrôler la cohérence des chiffres à des niveaux plus avancés, suggérer des idées, émettre de nouvelles alertes toujours plus pertinentes et précises, etc. Ce que les logiciels font déjà aujourd’hui mais en beaucoup plus puissant et précis. L’expertise sera alors préservée.Ensuite, en s’améliorant, l’IA dépassera le niveau d’expertise moyen des experts-comptables et sera de plus en plus autonome. Encore plus qu’aujourd’hui, les qualités humaines de pédagogie, d’empathie et de proactivité feront la différence. L’expertise sera une commodité et ne vaudra plus grand chose.Puis, l’intelligence artificielle s’aventurera sur les interactions humaines. Lorsqu’elle sera capable d’être proactive et empathique en plus d’être experte dans tous les domaines, c’est l’ensemble des métiers intellectuels qui seront remplacés. Difficile de dire quand cela arrivera, mais c’est inévitable selon moi. La bonne nouvelle, c’est que lorsque cela arrivera, tout le monde sera concerné puisque nous sommes tous experts en quelque chose dans notre métier, pas seulement les experts-comptables : nous aurons alors un vrai sujet de civilisation à régler. Comment les cabinets d’expertise comptable doivent-ils s’adapter pour faire face à ces évolutions ? Faut-il recruter ces fameux data scientists, dont on parle beaucoup ?Surtout pas. Il y a une pénurie de talents sur l’IA. Les meilleurs spécialistes travaillent déjà chez les GAFAM ou dans des start-ups. De la même façon, recourir à un prestataire pour développer une solution d’IA propre n’est pas une bonne idée : ces technologies nécessitent des investissements de plusieurs milliards de dollars, que seuls sont capables de réaliser les plus gros acteurs du secteur. Mais aucune inquiétude, les meilleurs algorithmes seront disponibles dans le cloud et je suis persuadé que tous les logiciels d’expertise comptable y seront connectés via des API pour les entraîner et les utiliser au quotidien.Recommanderiez-vous aux experts-comptables d’utiliser l’intelligence artificielle pour automatiser leurs processus, réduire leurs coûts et adopter une stratégie de prix agressive ?Le low cost ne me semble pas être une bonne stratégie. Lorsqu’il contacte un expert-comptable, le chef d’entreprise veut être rassuré. Il veut dormir tranquille sans se soucier d’éventuels problèmes de conformité fiscale, sociale ou autre. Cette assurance représente une valeur ajoutée considérable, qui doit être valorisée. Et je vous assure que beaucoup de dirigeants cherchent un « bon expert-comptable » et sont prêts à y mettre le prix.Comme je le disais, les compétences relationnelles comme la proactivité, la pédagogie et l’empathie vont être les facteurs différenciants de demain. C’est l’exact opposé du low cost : les experts-comptables doivent à mon sens développer une offre premium, avec une tarification adaptée.Lorsque je tiens ce discours, certains experts-comptables m’opposent la réaction des clients, qui chercheraient toujours le prix le plus bas, et ne seraient pas prêts à payer un service d’excellence. C’est prendre le problème à l’envers : c’est aux experts-comptables d’éduquer leurs clients pour leur expliquer cette valeur ajoutée. Vous savez ce qui coûte plus cher qu’un expert-comptable ? Un mauvais expert-comptable !Concernant la tech, oui il est indispensable que les experts-comptables infusent le maximum de technologie dans tout ce qu’il font et restent à l’affût des nouveautés. Ceux qui ne s’équipent pas ne survivront pas. Mais comme je le disais, ça ne sera pas suffisant : les experts-comptables doivent surtout développer les soft skills des bons commerciaux et des entrepreneurs.ChatGPT, le début d’une nouvelle ère ?De l’aveu des spécialistes en intelligence artificielle, ChatGPT n’est pas une révolution technologique. En effet, des solutions beaucoup plus avancées seraient d’ores et déjà dans les cartons des géants du numérique.Toutefois, ChatGPT a rendu concrètes des prévisions bien connues mais un peu abstraites. En quelques jours, nous avons été des millions à constater qu’il ne fallait que quelques secondes à une intelligence artificielle pour résumer un texte, créer un argumentaire, rédiger un article de toute pièce…Nous savions que cela arriverait, mais le résultat n’en reste pas moins impressionnant. Il n’en fallait pas plus pour remettre au goût du jour le sujet de l’intelligence artificielle et de la substitution de la machine à l’être humain. Pourtant, l’intelligence artificielle modifie-t-elle à ce point l’environnement des cabinets ?L’intelligence artificielle, accélérateur d’automatisationPrenons un peu de recul. Au cours des dernières décennies, au sein des cabinets d’expertise comptable, de nombreuses tâches manuelles ont déjà été confiées à des machines. Calculs à la main, comptes en T et balances carrées ont totalement disparu avec l’informatisation. Comme l’informatisation, l’intelligence artificielle n’est qu’un outil supplémentaire au service de l’automatisation et de la numérisation des processus.« L’IA ne vous remplacera pas. Une personne utilisant l’IA le fera »Cette citation résume à elle seule l’enjeu de l’automatisation. L’intelligence artificielle permet déjà d’automatiser une part importante de la saisie comptable. ChatGPT nous montre clairement que ça n’est que le début : la technologie est mature pour la rédaction de comptes-rendus, l’agrégation de données, la comparaison,… Faut-il pour autant en avoir peur ?La réponse est non, au contraire ! Les collaborateurs qui se sont appropriés les technologies d’automatisation ont vu leur poste évoluer, et s’enrichir. Ils supervisent les solutions qui produisent l’information au lieu de produire cette information eux-mêmes.Ce que peut faire l’intelligence artificielle (ou pas)Car contrairement à ce qu’on pourrait imaginer, une intelligence artificielle n’est jamais neutre, ni infaillible. Elle répond à des paramétrages, bien humains, qui déterminent ses réponses[1]. L’humain est donc absolument indispensable :pour définir les modalités dans lesquelles les solutions d’automatisation opèrent ;pour s’assurer que les résultats produits sont cohérents et pertinents, dans le respect des normes professionnelles ;et aussi pour exploiter les résultats des tâches réalisées par l’intelligence artificielle.En d’autres termes, l’automatisation croissante des tâches de collecte, de saisie, de pointage et d’analyse va réduire l’intervention directe des collaborateurs dans ces domaines. Ils restent toutefois indispensables pour garantir la qualité de l’information produite. Uncategorized